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Charles parle vite, explique qu'il risque de se "retrouver short" s'il a mal évalué les variations et ponctue ses phrases de jargon boursier. Avec un débit ultra rapide, ce trader français installé à Wall Street depuis cinq ans, qui souhaite rester anonyme, raconte l'ambiance, dans les salles de marchés de New York, au lendemain d'une journée folle qui a vu le Dow Jones dégringoler de 9 % en cours de séance, jeudi 6 mai.
"Dans la salle, on voyait en continu, sur nos écrans plasma, des Grecs se faire tabasser dans les rues. Ici, personne ne sait où est la Grèce, pour les Américains, la France, l'Allemagne, c'est pareil... Ils se disent juste : 'c'est l'Europe et c'est la catastrophe'". "Après, c'est l'effet boule de neige", raconte-t-il. Une journée de "grosse folie" pendant laquelle "la moitié de la Terre a vendu" : "C'était la panique totale, j'ai vu des types se mettre à acheter comme des malades, personne ne sait dans quelle direction ça va."
Pour lui, que la Grèce ait tant d'influence sur les marchés est "anormal". "Il y a des actions qui se font complètement écraser parce que le marché baisse alors qu'elles ne sont pas du tout exposées en Grèce, comme Coca-Cola, ce n'est pas normal", explique-t-il. La solution ? "La Grèce doit sortir de l'euro. C'est géré n'importe comment, ils manifestent pour le maintien de leur 13e et 14e mois alors, qu'à ce que je sache, il n'y a que douze mois dans une année !", s'emporte-t-il. Il poursuit, persuadé que la Grèce ne remboursera jamais : "Ce n'est pas pour rien que l'Allemagne ne voulait pas leur prêter d'argent !"
VERS UNE EUROPE À DEUX VITESSES ?
Pour lui, le marché n'est aucunement à blâmer dans l'aggravation du cas de la Grèce, un "pays qui va droit dans le mur". "Le marché anticipe les tendances, il n'en est pas responsable, assure-t-il. Moi je peux me tromper, mais le marché, lui, a toujours raison."
"Ici [à Wall Street], tout le monde pense que la Grèce va sortir de l'euro et qu'il va y avoir à terme une Europe à deux vitesses, voire un effondrement de l'euro. Et avant même les premières rumeurs sur la sortie de la Grèce, l'euro va repartir à la hausse, le marché va connaître un rebond", prévoit-il. Il va même jusqu'à envisager que l'Allemagne qui "s'en fout parce qu'elle n'a besoin de personne" se remette au Deutschmark.
D'ailleurs, les "plus malins" commencent déjà à racheter des euros en masse en prévision du rebond. "Les vrais spéculateurs vont toujours contre la trend [tendance], dit-il. Les fonds très malins accumulent des euros. Les petits particuliers eux voient juste les Grecs se faire tabasser, ont peur et vendent."
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